Le récit conscient de notre vie
Si j’ai appelé mon entreprise de coaching professionnel «Ninchido» c’est pour faire référence au mot japonais qui signifie «conscience», puisque c’est le matériau principal de mon travail d’éveilleuse de talents, de projets et de sens.
Mais qu’est-ce que la conscience ?
Différentes écoles de pensées ont tenté de répondre à cette mystérieuse question, depuis la philosophie grecque et avant elle le Bouddhisme, jusqu’à Descartes, Spinoza, Kant et bien d’autres comme Freud, Jung et les neurosciences aujourd’hui.
« La conscience émerge du réseau complexe de milliers de milliards d’interactions neuronales »
Antonio Damasio, médecin et professeur de neurologie, auteur de « L’erreur de Descartes » et « Spinoza avait raison » nous apprend que la conscience serait un aller-retour incessant entre notre perception des évènements ou phénomènes extérieurs et nos émotions internes. La conscience émerge donc du réseau complexe de milliers de milliards d’interactions neuronales et constitue notre capacité à nous représenter le monde qui nous entoure. Si nous pensons au mythe de la caverne de Platon, la caverne c’est notre boîte crânienne voire notre corps tout entier, nous sommes enfermé.e.s à l’intérieur et ne pouvons percevoir la réalité extérieure qu’au travers des fenêtres étroites de nos 5 sens. Nous ne voyons ainsi que des ombres qui sont des images projetées par notre conscience, c’est-à-dire des représentations de la réalité et jamais la réalité elle-même. Nous pouvons donc être piégé.e.s par des illusions d’optique de la conscience, des omissions, distorsions ou évaluations erronées des phénomènes.
L’intuition de Spinoza, contre Descartes, est démontrée aujourd’hui par les études en neurosciences : l’esprit et le corps sont intimement liés et sont de même substance, l’esprit étant une matière organisée de manière extrêmement complexe. Le travail du cerveau est de fabriquer des pensées soit des combinaisons d’informations, comme le travail des poumons est d’enrichir le sang en oxygène. Le principe de plasticité cérébrale nous apprend que plus une information circule dans notre cerveau, plus elle se grave dans les circuits neuronaux et crée des raccourcis, ce que nous appelons des automatismes. Ainsi, plus nous prenons conscience des fonctionnements cognitifs et émotionnels qui se passent en mode automatique en nous, plus nous pouvons choisir de sortir de nos schémas habituels et augmenter notre capacité d’action.
Un mythe longtemps admis a été de croire qu’il y a une commande centrale, un «soi» bien identifié et isolé qui prend les décisions. Cette notion de libre arbitre est mise à mal aujourd’hui par cette nouvelle conception d’un réseau hyper complexe de relations élaborées entre des informations inconscientes. On estime que 98% de l’activité de notre cerveau n’est pas conscient.
Mais que voit-on de l’extérieur ? A quoi voit-on qu’un individu a une conscience de soi et du monde ? Ce qui caractérise notre espèce, c’est bien cette capacité à reconstruire inlassablement la réalité extérieure, à interpréter les phénomènes. Nous sommes des «faiseurs de sens», des «faiseurs d’histoires». L’écrivain Nancy Houston parle de «l’espèce fabulatrice», nous créons la fiction de notre vie en filtrant la réalité et en utilisant des techniques narratives ; dans ce sens, nous sommes tous des auteurs.
« Nous pouvons utiliser la conscience comme un observatoire de nos pensées, émotions et ressentis corporels »
Mais bien souvent, nous ne sommes pas conscient.e.s que l’histoire que nous vivons n’est qu’une histoire que nous avons nous-mêmes façonnée, et qu’elle est influencée et inspirée par d’autres histoires dominantes de nos communautés humaines. C’est ainsi que nous finissons par nous identifier à notre interprétation du réel, nous croyons «être» ces objets de projection (comme notre métier, notre statut, notre réputation, notre rôle social ou familial …), nous cessons d’être conscient.e.s de la conscience comme un poisson ne perçoit plus l’eau dans lequel il est plongé.
La bonne nouvelle, c’est que notre cerveau peut modifier son propre état de conscience dans sa structure et son fonctionnement. En effet, la conscience étant liée à notre fonctionnement biologique en interaction avec le monde extérieur, nous avons le pouvoir de modifier l’histoire que nous racontons sur nous-mêmes.
Selon Christophe André, psychiatre et spécialiste des émotions, nous avons la possibilité d’affûter notre esprit en repérant et en identifiant les schémas habituels de pensées, les ruminations (boucles de pensées automatiques), les émotions toxiques qui ont un effet biochimique dans notre corps. Nous pouvons donc utiliser la conscience comme un observatoire de nos pensées, émotions et ressentis corporels et la transformer en conscience réflexive : je suis conscient.e que je suis conscient.e. Dans ce domaine, les techniques de méditation ou mindfulness sont des pratiques dont l’efficacité est reconnue aujourd’hui pour modifier la dynamique fonctionnelle cérébrale et même améliorer la réponse immunitaire de l’organisme.
« Nous avons la capacité de remodeler le sens en faisant émerger de nouvelles interprétations du réel »
Les approches narratives venues d’Australie utilisées en coaching, en thérapie ou en accompagnement social sont fondées sur ces mêmes convictions de l’importance des histoires dans la vie des individus et des groupes. Michael White, thérapeute co-fondateur des pratiques narratives avec David Epston, a eu l’intuition que ce qui est puissant pour intervenir sur la vie des personnes, c’est précisément de développer des histoires riches à travers des conversations narratives qui structurent des liens nouveaux avec les événements extérieurs et les expériences de la vie.
Nous avons ainsi la capacité de remodeler le sens en faisant émerger de nouvelles interprétations du réel et en prenant de la distance sur les histoires de problèmes que nous nous racontons en boucle. La densification de nouvelles «histoires préférées», plus proches de nos valeurs, de nos rêves et de nos talents, nous permet de redevenir auteur de notre vie, de retrouver le goût de l’initiative et de l’action individuelle et collective.
La suite de l’histoire dépend donc de nous.
Nous voilà rassuré.e.s sur notre potentiel de réactivation de notre conscience pour une vie plus riche, plus réelle et pleine de sens.
Source : Documentaire de Cécile Denjean sur ARTE « Les pouvoirs du cerveau – Déchiffrer la conscience» (2016)
Pour aller plus loin: «