L’artisanat d’art dans tous ses états
Il y a bientôt trois ans, j’ai quitté Paris pour m’ installer dans un village de céramistes près d’Uzès dans le Gard. Très rapidement, je me suis investie dans des actions de valorisation des métiers d’art sur le territoire. Aujourd’hui, je propose un accompagnement sur-mesure aux professionnels de ce secteur.
A la fois métier d’excellence et métier d’entrepreneur, l’artisanat d’art exige patience et persévérance au cours de nombreuses années de pratique et de recherche et fait appel à une certaine agilité dans la gestion de problématiques multiples. Des compétences périphériques au cœur de métier sont de plus en plus requises : communication, marketing, commercialisation, packaging, photographie, scénographie.
« Les néo-artisans réinventent un entrepreneuriat artisanal entre tradition et innovation »
Ce qui me fascine dans ces métiers, c’est l’alliance de l’intelligence du geste et de l’exploration créative. Si le corps tout entier participe au travail du céramiste ou de l’ébéniste, l’esprit est totalement engagé dans la recherche de nouvelles formes ou de nouvelles techniques. Métiers de faiseurs, d’explorateurs, de chercheurs de sens, de poètes de la matière.
Concevoir et fabriquer des objets uniques qui ont une âme et une histoire, telle est la raison d’être des artisans d’art. En ce sens, ils sont totalement actuels et reviennent sur le devant de la scène en cette période de doute, de remise en question et d’incertitude. Résolument ancré.e.s dans l’économie durable, ces hommes et ces femmes sont des passionné.e.s, épris.es de beauté, aimant se confronter à la matière, jouer avec leur imagination et les contraintes techniques. Inspirés par un patrimoine culturel inestimable, les artisans souhaitent à leur tour transmettre leur savoir-faire et forment les nouvelles générations dans les lycées professionnels, les écoles d’arts appliqués ou dans l’intimité de leurs ateliers.
Ces métiers rares suscitent de nouvelles vocations auprès des lycéens et des adultes en reconversion. Les néo-artisans réinventent un entrepreneuriat artisanal entre tradition et innovation et intègrent joyeusement maîtrise du geste, nouvelles technologies 3D et collaborations fructueuses avec des designers. De nouveaux diplômes d’Etat cumulent d’ailleurs un apprentissage technique de fabrication artisanale et des compétences de conception design (DNMADE – Diplôme National des Métiers d’Art et du Design).
Les Anglo-saxons appellent ce secteur le Craft Design, entre petites séries façonnées en atelier, fabrication de pièces uniques et travail sur commande auprès d’une clientèle d’architectes d’intérieur, de maisons de luxe ou de passionnés. Certains professionnels reprennent d’anciens ateliers, d’autres créent leur entreprise manufacturière et emploient plusieurs dizaines d’artisans salariés, mais la plupart d’entre eux travaillent seuls et collaborent ponctuellement à des projets d’envergure.
Le principe clé est le maillage local et la coopération entre ateliers afin de mettre en commun des techniques parfaitement maîtrisées et complémentaires. Ainsi s’anime une économie de talents libres qui partagent une identité commune et tissent des liens de solidarité et d’entraide.
L’Italie est un pays qui a particulièrement développé ce système de réseau familial où chaque atelier cultive son savoir-faire et collabore au sein d’une organisation flexible pour répondre à des commandes exceptionnelles, comme dans le secteur de la fabrication du verre à Murano.
« L’artisanat d’art est un métier de niche »
En France, ces métiers d’excellence sont très réputés et rayonnent à l’international avec une histoire qui remonte au 17ième siècle. Créé par Colbert sous l’impulsion de Louis XIV, le nouveau secteur du luxe valorise les savoir-faire et mène une politique d’attraction des maîtres artisans en provenance d’Italie ou de Hollande. Les secrets de fabrication du verre, de la porcelaine et du tissage sont jalousement gardés et font l’objet de procédés d’espionnage dignes de la police secrète. Les premières manufactures sont créées ainsi qu’une filière de formation de jeunes apprentis. Les ordonnances de Colbert établissent des normes de qualité et d’excellence d’exécution. La marque de fabrique est née ! Recherche de talents, avantages fiscaux, subventions royales, traçabilité des matières premières et promotion du luxe à la française auprès des ambassadeurs étrangers, tous les moyens politiques et financiers sont mobilisés pour faire de la France un des pays les plus novateurs en matière d’artisanat d’art.
Aujourd’hui, ces métiers jouissent d’un nouveau label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) sous l’égide des pouvoirs publics, qui a pour objectif de valoriser des savoir-faire rares, traditionnels ou très innovants et de renforcer efficacement l’attractivité commerciale des entreprises emblématiques de l’excellence française.
Incubateurs, pépinières, concours d’innovation, prix d’excellence, mécenat, prêt créateur, fabriques made in France, résidences d’artistes, salons internationaux, journées européennes…, les outils de promotion et de valorisation de ces métiers ne manquent pas et viennent en soutien d’un secteur encore fragile et atomisé. Appartenant à des filières professionnelles peu organisées, ces métiers ne peuvent compter que sur eux-même et sur leur réputation auprès de maisons de luxe, de collectionneurs ou de galeries d’art. Les réseaux sociaux, le commerce en ligne leur offrent de nouveaux canaux de communication et de commercialisation, à condition de maintenir un haut niveau de qualité éditoriale et d’image.
L’artisanat d’art est un métier de niche et présente de nombreux atouts face aux transformations et aux préoccupations économiques et environnementales actuelles : réduction de l’impact écologique au niveau des matières premières et des processus de fabrication, localisation et transmission des savoir-faire, innovation numérique des moyens de conception et de production, communication digitale, circuits courts et fonctionnement en réseau, personnalisation de l’offre, agilité dans la gestion de commandes de très petites séries.
« L’artisan d’art sort de l’anonymat et devient un acteur clé de l’économie créative et du développement des territoires »
Aujourd’hui renaît un marché d’objets faits main qui sont beaux, durables et responsables en dehors des catégories d’exception du luxe ou du très haut de gamme. L’innovation dans les matières et les techniques comme le cuir d’ananas ou le tannage végétal dans l’exemple de la maroquinerie éthique permet de séduire une nouvelle clientèle. Saurons-nous acheter moins mais mieux dans les prochaines années ? L’artisanat répond à ce besoin de sobriété matérielle en valorisant davantage un objet du quotidien et par là même l’artisan qui l’a fabriqué grâce à son savoir-faire unique et précieux.
L’artisan sort de l’anonymat et devient un acteur clé de l’économie créative et du développement des territoires. Que ce soit en Ile-de-France, en Occitanie, ou dans d’autres régions de France, les acteurs locaux (Chambre des métiers et d’Artisanat, communautés de communes,…) déploient de nouveaux dispositifs de promotion aux côtés d’associations culturelles dédiées à la création, à la transmission et à la transversalité entre design, métiers d’arts, arts plastiques et arts visuels : comme le Polinno en Ardèche méridionale ou la Fabrique made in Bagnolet.
Alors quels sont les facteurs clés pour réussir dans ces métiers ?
Il est essentiel pour l’artisan de sentir d’abord intuitivement puis de formuler explicitement ses envies véritables et la singularité de sa production. Est-ce l’utilisation de techniques traditionnelles au service de la restauration du patrimoine ? Est-ce plutôt la création contemporaine avec une réinterprétation des formes et une recherche dans les matières ? Ou encore l’exploration de procédés alternatifs comme le recyclage des matériaux ? Identifier ses sources d’inspiration, son héritage culturel et sa marque de fabrique devient essentiel pour pouvoir se positionner sur le marché de l’artisanat et communiquer de manière inspirante.
La connaissance de ses motivations profondes et de son processus de création facilite l’orientation vers un style de travail artisanal, seul.e ou à plusieurs, ou les deux à la fois en alternant des temps de recherche-conception et des temps d’échange-collaboration.
Il est d’ailleurs indispensable de se former tout au long de sa vie afin d’approfondir sa technique ou d’explorer de nouveaux procédés en croisant les domaines de création. Le fruit de ces apprentissages doit pouvoir se valoriser auprès d’un réseau d’acheteurs et de prescipteurs à la recherche de l’objet rare ou de l’excellence d’un savoir-faire. L’entrepreneuriat est un état d’esprit et l’artisanat d’art une force créative, il s’agit de marier les deux.
Convaincue de l’avenir de ces métiers et consciente des difficultés qui se posent à eux, j’ai la vocation d’accompagner les artisans d’art souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ou impulser un nouvel élan à leur activité. Les offres de conseil technique en gestion, en export ou en communication web existent déjà et sont souvent proposées par des acteurs de l’économie locale. En réalité, il s’agit en amont de transformer sa posture et sa propre vision de son identité en abolissant les frontières entre artisan, artiste, designer et entrepreneur.
Aussi je propose un Parcours du Créateur en plusieurs étapes au fil de séances individuelles :
- Dans un premier temps, il s’agit de définir à partir de son histoire singulière, de ses talents, de ses rêves et de ses engagements, son identité de créateur, indispensable à un positionnement clair et cohérent.
- Puis, identifier sa proposition de valeur originale et structurer un modèle économique pertinent permettent de sécuriser la démarche dans le temps, d’assumer son prix, de définir la communication adéquate et les partenariats clés.
- Développer une intelligence relationnelle en fluidifiant son mode d’interaction avec les autres favorise les opportunités de collaboration, d’apprentisage et de rayonnement. Le secret : concilier l’agilité de la main et l’agilité de la relation !
Partenaire de leur réflexion, j’accompagne les professionnels dans leur positionnement et leurs choix en cohérence avec leur identité singulière. Mon goût pour la création, mon métier d’artisan-coach et ma pratique de l’approche narrative trouvent tout naturellement à s’investir au service de femmes et d’hommes passionné.e.s par leurs métiers, qui ont la tête dans les étoiles et les pieds sur terre !
Pour aller plus loin : Merci au Craft Project pour son action engagée et son partage d’histoires uniques et poétiques cliquer ici
Crédits Photos Pixabay