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Choisir ou ne pas choisir

Après avoir fait l’éloge du doute dans un précédent article, certain.e.s m’ont fait part de leurs difficultés à choisir, à décider dans la vie quotidienne. En effet, si le doute est une mise en éveil de l’intelligence et peut jouer le rôle d’un outil de discernement, sa face sombre est de devenir paralysant et épuisant quand il boucle sur lui-même.

Hésitation perpétuelle, confusion, procrastination sont les effets indésirables du doute s’il n’est par transformé en agent fécond de l’esprit et en moteur de l’action.

« La crainte ultime a toujours à voir avec un risque relationnel »

Nous avons vu que le doute peut stimuler la curiosité et la réflexion, inciter à la recherche et à l’investigation. Mais souvent, les personnes curieuses, ouvertes, désireuses d’en savoir toujours plus, se retrouvent devant une accumulation d’informations et un vaste champ des possibles. Reste ensuite à faire le tri, à prioriser et à choisir ! Et c’est là que le problème commence. Ce n’est donc pas le doute qui freine l’action mais la capacité de sélectionner et d’arrêter un choix.

Derrière tout blocage se cache une peur consciente ou inconsciente. Et l’exercice du choix s’accompagne d’un cortège de peurs : peur de se tromper, peur de regretter, peur de perdre ou de renoncer, peur de déplaire ou de décevoir, peur d’être décu.e, …
Il est donc essentiel d’identifier finement et le plus honnêtement possible la peur qui est à l’oeuvre : ai-je peur de décevoir ? Qui en particulier ? Mes parents, mon conjoint, mon boss, mon amie Hélène, mon banquier ? Ensuite il s’agit de dérouler mentalement le scénario de la peur tel un mauvais film de série B. Que se passera-t-il si cette peur se matérialise dans la réalité ? OK je déçois mon boss, et alors ? Quels sont les risques réels, que va-t-il faire ? Me dégrader, me licencier ? OK il me licencie, et alors ? Que se passe-t-il ensuite ? Je recherche un nouveau job en accord avec mes valeurs, je fais une formation ou je crée ma propre entreprise ? A qui cela peut-il déplaire ?

Lorsque l’on déroule l’enchaînement des peurs, la crainte ultime a toujours à voir avec un risque relationnel. Même la peur d’une perte financière n’est in fine qu’une peur d’être jugé.e par son environnement proche et d’être exclu.e de son cercle social.

En pratiquant cet exercice mental du scénario catastrophe jusqu’au bout, on se rend compte que le danger fictif est bien plus grand que le risque réel et que finalement on a les ressources pour y faire face.

« J’ai eu beaucoup de problèmes dans ma vie, dont la plupart ne sont jamais arrivés » disait l’écrivain Mark Twain.

La théorie de la rationalité limitée peut nous aider à faire baisser la pression quand on cherche à faire les bons choix. En effet, le bon choix n’est pas le plus optimal parmi tous les possibles mais le choix satisfaisant pour moi à un instant t. La rationalité limitée est l’idée selon laquelle la capacité de décision d’un individu est altérée par un ensemble de contraintes comme le manque d’information, des biais cognitifs ou encore le manque de temps. Dans cette optique, les décideurs ont tendance à choisir la première solution suffisamment satisfaisante. Le concept a été initialement théorisé par Herbert Simon et utilisé en sociologie, en psychologie et en microéconomie. On s’écarte ainsi de la théorie du choix rationnel de l’individu qui chercherait à maximiser son utilité et son profit, afin de répondre à un besoin. C’est justement le caractère limité de la rationalité qui permet, in fine, le choix, et donc la possibilité d’agir à bon escient et à temps.

A propos de l’acte d’achat, nous voyons bien que les comparateurs en ligne peuvent nous aider à la collecte et à l’analyse rationnelle des données, mais nous devons nous positionner à la fin et décider sur la base de critères qui peuvent être le prix pour les uns, la performance ou le design voire même la couleur pour les autres. Le bon choix n’existe donc pas dans l’absolu.

C’est pourquoi il est essentiel de connaître ses propres critères de choix et de discerner en amont ce qui dépend de soi et ce qui échappe à son contrôle. Ce principe déjà utilisé par les Stoïciens dans l’Antiquité nous permet d’allouer notre énergie à ce qui dépend de nous (nos habitudes, nos paroles, nos efforts, notre vigilance,…) et pour le reste (les intempéries, la maladie, le jugement d’autrui, …) d’accepter notre impuissance à les déterminer. Je ne peux choisir que ce qui est à ma portée.

 

« La voie la plus rapide est de faire confiance à son intelligence intuitive »

Définir sa boussole de valeurs et de besoins essentiels permet de mieux naviguer et de s’orienter plus consciemment au quotidien ou face aux imprévus. Si la « simplicité » est ma valeur essentielle, je ferais certains choix que d’autres animés par une valeur « sécurité » ne feront pas. On peut deviner ces critères rien qu’en observant une personne faire sa valise et « choisir » ce qu’elle emporte avec elle !

 Afin de clarifier nos choix de vie, une des questions clés a été posée par Spinoza au 17ième siècle. Puisque la liberté totale n’existe pas et que nous sommes soumis à des contraintes extérieures, la seule question à se poser est : « De quoi veux tu être dépendant.e ? » D’un conjoint, d’un patron, des clients, d’un conseil d’administration, des horaires de bus ? Que sommes-nous prêt.e.s à accepter joyeusement comme contraintes ?

 Vous allez me dire que c’est bien beau toutes ces approches basées sur le questionnement et l’investigation mais qu’en est-il de l’intuition ? « Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas » disait Pascal. La voie la plus rapide pour décider est de faire confiance à son intelligence intuitive. Il s’agit de « sentir » et non plus de connaître ou d’évaluer. Cette faculté d’ouverture à soi et aux signes extérieurs agit avec une vitesse fulgurante comme un éclair sans aucune justification ni explication. On ne sait pas pourquoi, on le fait.

Nous sommes fondamentalement des êtres irrationnels et avons besoin de nous connecter à nos désirs profonds et à nos rêves. Le seul choix à faire est peut être de vérifier dans la réalité que l’accomplissement d’un rêve va vraiment nous apporter bonheur et sérénité. Certains vont préférer conserver ce rêve comme un refuge, un idéal inaccessible afin de ne pas l’altérer par un principe de réalité. On ne peut pas être déçu par un rêve inaccompli, on peut juste être frustré !

Nos choix sont parfois purement affectifs ou esthétiques : choisir un job pour travailler avec une personne admirée, décider d’un lieu d’installation pour la seule beauté du paysage. L’agriculteur-philosophe Pierre Rabhi raconte qu’il a choisi son lopin de terre en Ardèche pour la vue magnifique sur les collines malgré l’aridité du sol et les découragements du banquier inquiet de la rentabilité de l’affaire. Mais avec patience et amour, le travail a permis d’expérimenter de nouvelles méthodes agricoles qui ont fait merveille.

Oscar Wilde disait : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ».

« La vie n’est qu’un jeu ! »

A propos de lune et d’étoiles, une des voies de décision issues des civilisations anciennes est l’interprétation des signes ou la science oraculaire. Les rois, les pharaons, les généraux d’empire avaient recours aux prêtres et prêtresses pour lire l’avenir et orienter leurs choix stratégiques, comme se lancer dans une nouvelle guerre ou construire un nouveau palais. Quand on y songe, une grande part de l’histoire de l’humanité a été décidée sur un coup de dés ! Et pourquoi ne pas utiliser la même méthode lorsque nous sommes bloqué.e.s dans des choix « cornéliens » impossibles à résoudre pour notre esprit. Introduire une part de hasard ou interpréter les signes revient à ne pas se prendre trop au sérieux. La vie n’est qu’un jeu, après tout !

La prochaine fois que vous serez indécis.e, formulez votre question avec clarté : « dois-je plutôt vendre mon appartement ou le louer ? » « dois-je prendre ma retraite maintenant ou dans deux ans ? » « dois-je partir au Canada pour une mission temporaire ou rester en CDI à Paris? » Prenez un livre sur votre étagère, ouvrez-le au hasard, fermez les yeux et pointez une phrase avec votre doigt. Puis lisez la phrase à voix haute. C’est LA réponse à votre question. Ne remettez pas en cause cette phrase, ne refaites pas l’exercice, restez avec cette phrase « oracle » et sentez ce qu’elle a à dire de votre problématique. Comment les mots résonnent-ils ? Laissez reposer un instant et vous obtiendrez une réponse lumineuse et évidente.

Alors choisir ou ne pas choisir ?

Que vos choix soient raisonnables bien qu’à moitié rationnels, suffisamment pragmatiques, totalement intuitifs, purement affectifs, futilement esthétiques, fabuleusement fantasques ou apparemment aléatoires, n’oubliez jamais que la vie est une aventure, alors soyez un explorateur !

Sources : la rationalité limitée sur Wikipédia

Crédits photos : Pixabay

Oct 7, 2021

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